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RE CUEIL PÉRIODIQUE

PAMlSS\l^T r.E 10 ET LE 25 DE CHAQUE MOIS

PARIS, DÉPARTEMENTS ET ÉTRANGER UN AN, 35 FR. 6 MOIS, 18 FR. UN NUMÉRO, 2 PR, 50

NOUVELLE SÉRIE TOME CENT TREIZIÈME. - CENT QUARANTE-NEUVIÈME DE U COLLECTION

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IVapoléon C" A. DE PONTMARTIN.

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FRANCE LÉON L0R0I8, liriU.

IV. MÉMOIRES DU COMTE \i^ VILLËLE K DELORME.

V, PERDU, ^ RÉCIT DB LA VIE DB PROVINCE DANS LA

Nouvelle-Angleterre, par Sarah O. JeweU.... TH. BENTZON.

VI. NOS ÉCOLES MILITAIRES. SAINT-CYR. II... A. DE QANNIER8. Vil. LES CURÉS DE CAMPAGNE AU XVIII- SIÈCLE,

I>' APRÈS DES DOCUMENTS INÉDITS. FIN GEORGES BEAURAIN.

rm. REVCE DES SCIENCES HENRI DE PARVILLE.

IX, CHRONIQUE POLITIQUE AUGUSTE BOUCHER.

X. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

^ PARIS

BXJFIEAUX DU CORRESPONDANT

29, RUE DE TOURNON, 29

1887

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LE CORRESPONDANT

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Toat ce qui concerne la Rédaction da Correspondant doit être adressé francck M. LdonLAVBDAW, directeur do Recueil. Tout ce qui concerne rAdministration du CotTCspondant doit 6tre adressé franco à M. Julea GsavAis, gérant, aux Bureaux de la Revue, rue de Tournon, 29.

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CORRESPONDANT

RECUEIL PÉRIODIQUE

RELIGION PHILOSOPHIE POLITIQUE

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LITTÉRATURE REAUX-ARTS

TOME CENT QUARANTE-NEUVIEME

DB LA ooLLionoir fVOVTBIXB SÉRIE. TOMB CEIST TaElZlÈME

PARIS

BUREAUX DU CORRESPONDANT

29y RUB DB TOURNONf 29 1887

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MALPLAQUET ET DENAIN'

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L'année 1712, qui vit la fin des longs revers de la France, débuta sous les plus fâcheux auspices. Menacé dans sa capitale, réduit aux expédients financiers, exposé aux humiliantes propositions de Fennemi, Louis XIV se vit encore frappé dans ses plus chères affections, dans l'espoir de sa race et de sa dynastie. Il semble que la Providence ait voulu Tatteindre dans toutes les grandeurs dont il avait tiré vanité, dans toutes les faveurs dont il avait abusé, et qu'avant de récompenser sa résignation et sa fermeté, elle ait voulu les soumettre à une dernière et cruelle épreuve. On sait avec quelle grandeur d'âme il la supporta. On n*a pas oublié la mémorable scène de ses adieux à Yillars. Le vieux roi accablé, non abattu ; le dirétien humiliant son orgueil repentant et courbant sa tête sous le cbâtiment d'en haut ; le souversûn redressant la sienne sous l'insulte faite â sa couronne et raidissant toutes ses énergies dans un suprême et patriotique effort. « Dieu me punit, dit-il à Vîllars, je Tsû bien mérité, m^ suspendons nos douleurs sur les malheurs domestiques et voyons ce qui peut se faire pour prévenir ceux de l'État » Il remet alors à Yillars le commandement suprême et les destinées de la France, lui exprime toute sa confiance en sa valeur, mais, éclairé par les dures leçons de l'expérience, il prévoit l'éventualité d'une défaite; il demande â Villars ce qu'il lui conseillerait de faire de sa personne si sa dernière armée était battue, et la route de Paris ouverte â Tennemî. Le maréchal dominé par l'émotion, par l'em- barras, gardait le silence... « Eu attendant que vous me disiez votre pensée, reprend le roi, je vous apprendrai la mienne.. . je connais la Somme, elle est difficile à passer; il y a des places : je compterais me rendre à Péronoe ou à Saint-Queatin, y ramasser tout ce que

* Voy. le Correspondant du 25 septembre 1887.

l'* UTKAISOlf. 10 OGTOBaB 1887. 1

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4 MALPIAQUET ET DENAIN

j'aurais de troupes, faire un dernier effort avec vous et périr ensemble ou sauver l'État, car je ne consentirais jamais à laisser Fennemi approcher de ma capitale, » « Les partis les plus glorieux sont souvent les plus sages, répond Villars, je n en vois pas de plus noble que celui auquel Votre Majesté est disposée, mais j'espère que Dieu nous fera la grâce de n'avoir pas à cradndre de telles extrémités. » Quelques jours après, encore sous Témotion de cette scène et des responsabilités qu'elle lui révélait, il se rendait à l'armée. Il en reprit le commandement le 20 avril.

Presque au même moment le prince Eugène revenait de Londres, ayant complètement échoué dans sa tentative pour arrêter le mou- vement pacifique qui entraînait la nation anglaise : il se fixait à Bruxelles pour y activer la reprise des hostilités.

La retraite de Marlborough et le revirement de la politique anglaise mettaient Villars directement aux prises avec Eugène. Eûtre ces deux hommes va se jouer la dernière partie du long conflit qui depuis dix ans ensanglantait l'Europe. Souvent déjà ils s'étaient rencontrés, dans la paix et dans la guerre : ils avaient appris à se connaître, à s'estimer mutuellement à leur juste valeur. Leurs premières relations dataient de 1687, de la campagne de Hongrie : ils avaient combattu le Turc côte à côte, fourni ensemble la brillante charge de Mohacz : Eugène avait alors vingt-quatre ans : mais l'œil compétent de Villars avait deviné en lui le capitaine *.

Les guerres qui suivirent ne les avaient pas mis en face l'un de Tautre, et lorsqu'ils se retrouvèrent à Vienne en 1698, ils se retrou- vèrent avec plsdsir : une sorte d'intimité s'établit entre eux, sans doute par l'aifinité des contraires : ils n'avaient rien de commun, si ce n'est l'amour de la guerre et les audaces du champ de bat^lle. Eugène, aux brillantes qualités militaires qu'il tenait de la maison de Savoie, ajoutait une distinction de manières, puisée dans les élégances de l'hôtel de Soissons, une fioesse réservée et non sans calcul, qui semblait provenir des origines italiennes de sa famille maternelle. Son regard pénétrant avait discerné les défauts de Vil- lars ; en attendant l'occasion de les mettre à profit, il s'en amusait : il goûtait cette nature vive, personnelle, transparente, cette gaieté communicative, ces saillies originales; il recherchait volontiers la compagnie du ministre de France, alors que la cour l'évitait, jouait gros jeu avec lui; Villars, très sensible aux attentions d'un prince iTanssi bonne maison, et qui perdait si galamment son argent, ne

H a beaucoup de courage, écrivait-il alors, plus de bon sens que d'emity assez d'étude, cherchant fort à se rendre bon officier et très camiiie cBe le devenir un jour. H a de la gloire, de Tambition et tous les ^tiiHiiAi d'un homme de dévotion. »

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MÂLPLAQUET ET BENAIN 5

douta jamais des sentiments qu'il avait cru lui inspirer : il ainudt sincèrement Eugène et se croyait payé de retour : il se plaisait & asssQuler leurs deux carrières : c< Vos ennemis sont à Yiennei les miens à Versailles, lui dit-il en le quittant en 1701 ; je suis persuadé que vous me souhaitez toutes sortes de bonheurs, comme de mon côté je vous désire toutes les prospérités qui ne seraient pas contraires aux intérêts du roi ». La guerre n'avait pas altéré ces sentiments : elle n'avait pas fait à la vanité du capitaine de ces blessures qui ne guérissent pas : Villars n'était ni à Blindheim, ni à Turin, ni à fiamillies : à Halplaquet, l'honneur avait été également partagé entre les deux adversaires : Villars était resté convaincu que, sans la blessure qui l'avait éloigné du champ de bataille, il aurait fini par remporter la victoire et Eugène avait la bonne grâce de ne pas le contredire. La campagne qui allait s'ouvrir, en renversant les rôles, ne devait pas brouiller les acteurs : et après dix-huit mois d'une lutte l'un n'eut que des succès, l'autre n'éprouva pas d'humi- liation directe, ils purent se retrouver à la table du même congrès, discuter et signer ensemble l'mstrument diplomatique qui rendait la paix à TEurope, qui réconciUdt leurs souverains et scellait leur mutuelle amitié.

Au oiois de mai 1712, tous deux, en abordant le terrain, avaient le sentiment du dénouement prochain. Ils comprenaient que le pre- mier choc fixerait l'issue définitive de cette longue guerre. Le moment dédsif était arrivé. De part et d'autre il fallait une bataille gagnée : à F Autriche, pour retenir ses alliés et frapper le coup qui aurait couronné toutes ses victoires : à la France, pour triompher des dernières hésitations de l'Angleterre et faire aboutir les négo- ciations d'Utrecht. Pour l'Autriche, les instants étaient précieux, et Eugène était décidé à brusquer les opérations. Louis XIV, au con- traire, qui négociait secrètement la neutralité de l'armée anglaise, avait intérêt à temporiser, et Villars devait éviter le combat jusqu'à nouvel ordre.

Rappelons brièvement la situation des belligérants.

Des trois lignes de forteresses qui défendaient la frontière fran- çaise, l'ennemi occupait les deux premières, celle de Lille-Tournay- Mons et celle de Aire-Béthune-Douai-Bouchaîo. Valenciennes, Maubeuge et Namur, il est vrai, avaient encore des garnisons fran- çaises, mais ces garnisons, isolées, relativement faibles, ne pouvaient en rien gêner ses opérations. Le quartier général du prince Eugène était à Tournay.

L'armée française était cantonnée sur la ligne Arras-Cambrai- Landrecies, le gros autour de Cambrai, se trouvait le quartier général de Villars. Cette ligne était toute artificielle ; aucun cours

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<; 3fALFLA{)UIT ET DERàlN

d'eau, aucune Buite de hauteurs n'eo assurait la solidité. Dans teute la Fégion nord-est de la France, on ne le sait que trop, les BÎyiëres ont une direction perpendiculaire à la frontière «t offrent à rinvasioo des routes toutes traoées. Parmi ces chemins naturds, les vallées de l'Escaut et de la Sambre se font renapqu^ par des fitcilités particulières : elles aboutissent toutes deux au même plateau, d*où la vallée de TOise descend à sou tour et conduit directement à Paris une armée victorieuse. Cette route est celle que choisit Eugène et qu'il résolut de s'ouvrir jusqu'à la capitale de la France ^ : mais, suivant la tactique du temps, il ne voulut s'avancer qu'à pas comptés, en déblayant la route des forteresses qui l'obs- tnuaient encore, en assurant par de solides ouvrages ses communi- cations et ses approvisionnements. Il résolut donc d'assiéger le Quesnoy, puis Lanadrecies. Valenciennes empêchant ses convois de remonter jusqu'à Bouobain le cours de l'Escaut, il tourna et masqua cette place par tout un système de communications forti- fiées. Marcbi^anes sur la Scarpe fut choisi comme dépôt ^néral : des balandffesj graBdes embarcations de mer, parties d'Anvers, y oonduisaieiH sans obstacles les grains, les munitions, les grosses pièces de siège, tout le matériel nécessaire. L'ancien camp que Villars ^vait fait à Denain fut agrandi, complété, puis relié à Marcfaiennes par deux lignes d'épaulements entre lesquelles les convois purent cbculer sans avoir rien à craindre ni de la garnison de Valenciennes, m des coureurs français. A Denain, sous la protection du camp fetranché, deux ponts traversaient les eaux profondes et les bords marécageux de l'Escaut : sur la rive droite du fleuve, une nouvelle ligne allait rejoindre et suivre la petite rivière de TËcaillon dont la vallée menait directement au Quesnoy et à Landrecies.

Parallèlement à l'Écaillon une autre petite rivière, la Selle, se jetant dans l'Escaut presqu'en face de Denain, offrait une seconde ligrre de protection : ces deux cours d'eau n'ont que quelques mètres de largeur, mais leurs eaux sont profondes, encaissées, et ne peuvent

* La pensée d*Bugène ressort bien clairement de sa correspondance, oonaervée aux archives de Vienne : il insiste pour une action prompte et vigoureuse» de nature à déjouer Les projets des Anglais : il se croit sur de battre Villars : après la prise du Quesnoy et de Landrecies « rien n'em- pêchera plus de pénétrer au coeur du royaume » (in das Herz dièses Kôni' greiches einzudringen , Eugène à Sinzendorf, 2 juillet 1712). Quelques jours iq)rè8 il emt>ie un projet en français se lisent les lignes suivantes : « Si on a, comme il n'en faut pas douter» le bonheur de bien battre les Français, on peut, pendant quelque temps, détruire la plus grande partie de la France, marchant jusques à Paris, et hiverner ensuite sans aucun risque derrière la Sambre, entre Maubeuge et Ijandrecies. » On voit à quel Ranger la France a échappé par la victoire de Denain.

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MÀLFLÂQCET ET BENÂiN 7

être traversées que sur des ponts. Lears vallées, ccmmae celle de YEscaut, sont d'ailleurs peu profondes et ne creusent dans la grande l^atne de Flandre que des dépressions insignifiantes : paitout le pays est ouvert, uniforme, les reliefs arrondis, tes pentes adoucies; la vue s'étend an k>in; nul terrain n'est plus propre aux évolutions des années, mais nul aussi ne se prête moins aux surprises et aux mouvements dissimulés. Vers Landrecies seulement, le terrain se relève, les reliefs s'accentuent un peu, et une grande forêt, la forêt de HorniaU couvre la place en venant du Quesnoy.

Eugène employa le mds de mai à faire tous ces préparatîfe.

Villars, de son côté, ne restait pas inactif; avec sa vivacité ordi- naire, il visitait tous les postes, étudiait les positions, tenait tout le monde en éveil; son activité épistolaire n'était pas moins grande et elle n'était pas sans inconvénients : chaque jour, il écrivait au Toi, à Voysin, des dépêches interminables toutes les éventua- lités, tous les plans, tous les systèmes étaient prévus, analysés, discutés, avec la nûnutie d'une discussion géométrique. Dans son désir de ne rien laisser au hasard, de pousser la prévoyance et l'attention à ses dernières limites, il dépassait la mesure, manquant de méthode dans l'exposition, entremêlant ses descriptions tech- niques de boutades et de saillies, il soumettait à de fatigantes épreuves l'attention et la patience de ses correspondants : la vue claire des choses se perdait un peu dans ce dédale d'arguments contradictoires, et la faculté d'action s'émoussait au contact pro- longé des objections accumulées. Voysin, qui avait la direction plus nette et la plume plus vive que Chamillard, laissait quelquefois percer son impatience. Dn jour que Villars, prenant trop à la lettre les instructions prudentes du roi, proposait de prendre sur la Sensée, et autour d^Arras, une position défensive, Voysin lui écrivit le 17 mai S non sans malice, que dans cette situation excentrique^ « la sûreté serait plus grande d'éviter tout combat, n'étant pas pos- sible aux ennemis de venir l'y chercher », et il ajoutait : « Quoique la conjoncture présente ne demande pas qu'on cherche à engager de grandes actions, il ne faut pas néanmoins les éviter au point d'en donner des marques publiques et de laisser faire aux ennemis tout ce qu'ils voudraient... s'ils vous fournissent une belle occasion de prendre vos avantages sur eux, vous savez que le roi vous a laissé toute Tiberté d*en profiter. »

J'ai cherché ces occasions-là dans l'empire, écrivait Villars de son côté *, quand j'y ai été; très aise quand je les ai trouvées, très fâché

* Peiet, Mémoins^ militaires, etc., XI, p. 447. a Ibid,, p. 445^.

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« mâlpuquet et denaln

quand je les ai manquées, et j'aimerais mieux, pour le service du roi, donner une bataille entre Mons et Bruxelles, qu'entre Bapaume et Péronne. Je vous dirai sur cela, monsieur, qu'il y a des gens dans les armées qui écrivent volontiers qu'il n'y a rien à craindre, que l'on donne des desseins chimériques aux ennemis. Il arrive quelquefois à ces mêmes gens, si libres dans leur taille, quand ils ne répondent de rien, que dès que l'affaire roule sur eux et que l'ennemi parait, la tète leur tourne et qu'ils disent pour tous ordres à ceux qui sont aux leurs : a Faites, vous autres, comme vous voudrez. » U y en a d'au- tres qui, pour tout prévoir, ne diminuent point le mal, veulent être préparés sur tout, au hasard de donner quelqu'inquiétude à leur maître et fatiguent le ministre de plusieurs réflexions importantes : leur vivacité sur ce qui leur manque pourrait porter à croire en eux trop de circonspection, mais Ton a vu toujours ces mêmes gens, fermes et tranquilles dans les plus grandes actions, y donnant les ordres très nettement, rassurant tout le monde par un air gai et serein, former et exécuter heureusement lés projets les plus hardis et les plus dirSciles... Voilà, monsieur, des portraits assez fidèles.

Ces extraits peuvent donner une idée du caractère de la corres- pondance qui s'échangeait entre Villars et la cour, et des digres- sions qui en entravaient la clarté. Pourtant, la lumière se fit peu à peu dans les esprits et l'accord dans les volontés; on finit par reconnaître que, selon toutes les probabilités, Eugène remontait la rive droite de l'Escaut pour marcher à l'Oise : il fut convenu que Villars le suivrait par la rive gauche, prêt à le combattre aussitôt que les circonstances tactiques et politiques le permettraient.

Le 26 mai Eugène passa l'Escaut sur huit ponts, et, laissant, dans le camp de Denain, treize bataillons hollandais et trente escadrons, sous les ordres du comte d'Albermarle *, vint se mettre en bataille sur la Selle, la droite à Neuville sur l'Escaut, la gauche à Villiers. n entraînait avec lui l'armée anglaise : le duc d'Ormond qui la commandait, depuis la disgrâce de Marlborough, se trouvait dans un cruel embarras; tenu par Bolingbroke au courant de ses secrètes négociations avec Torcy, il ne voulait ni les dévoiler en refusant de marcher, ni les compromettre en prenant part à une attaque contre l'armée française ; honnête homme et plus soldat que diplomate, il dissimulait mal ses scrupules sous des prétextes insuffisants. Eugène eut bientôt deviné le secret de son hésitation : il n'en devint que plus pressant, plus désireux d'engager, malgré lui et par la force d'un fait accompli, son allié suspect. Ormond avait subi l'ascendant

* C'était aussi un Hollandais, du nom de Van Keppel, qui avait suivi Guillaume d'Orange en Angleterre et y avait reçu un titre anglais.

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MÀLPLÂQUËT £T DENÂl^T 9

de cette volonté supérieure : îl avait marché le 26 à son rang dans l'ordre de bataille. Le 27 il participa par quelques escadrons aux reconnaissances de cavalerie; mais le 28, il ne put éviter un éclat. Eugène, continuant son mouvement en avant, se trouvait à la hau- teur de Cambrai et de Solesmes. Villars, de son côté, s'était déployé le long de F Escaut, entre Cambrai et le Catelet; ses positions n'étaient pas naturellement très bonnes, et il n'avait pas cru devoir les fortifier. Eugène jugea l'occasion favorable à une attaque : il vint trouver Ormond avec les députés hollandais et lui proposa de se porter rapidement sur la gauche de Villars et de la tourner en passant entre les sources de l'Escaut et de la Somme; attaqué en flanc et à revers par des forces supérieures, n'ayant pas, croyait-il, le temps de faire un changement de front, Villars serait certaine- ment battu : il fallait marcher sans délai. Mis au pied du mur, Ormond se troubla, laissa échapper une partie de la vérité et pria les chefs alliés de suspendre toute opération offensive jusqu'à ce qu'il eût reçu de Londres des lettres qu'il attendait de jour en jour. A cette demande, Eugène et le député Vegelin ne purent retenir leur indignation : une scène assez vive s'en suivit; Eugène alla jus- qu'à accuser Ormond de connivence avec l'ennemi. « Un chef aussi vigilant que Villars », dit-il, n'aurait pas laissé son armée sans protection, dans d'aussi mauvaises positions, s'il n'avait su qu'il ne serait pas attaqué K Onnond ne savait que répondre, il affirma pourtant qu'aucun engagement ne liait son gouvernement au roi de France et, pour preuve à l'appui, il se déclara prêt à soutenir l'armée alliée, si elle était attaquée. Dès le lendemsûn, il appuya son dire en envoyant au-devant d'une reconnaissance française un détachement qui ramenait quatre-vingts prisonniers.

Ormond ne pouvait pas avouer qu'une correspondance s'était établie entre Villars et lui ; elle avait pour prétexte un échange de prisonniers; mais, dans le fond, elle répondait aux négociations pen- dantes. Dès le 25 mai Villars écrivait ^ : « Je ne pouvais recevoir de plus agréable nouvelle que celle qui m'apprend que nous ne sommes plus ennemis » ; et Ormond lui répondait le lendemain, au moment de passer l'Escaut : « Vous n'avez rien à appréhender de notre marche, au moins je puis répondre pour l'armée de la reine que j'ai l'honneur de commander. »

Villars pouvait donc se croire à l'abri d'une attaque et négliger ses précautions habituelles. Mais il n'était pas libre lui-même d'at- taquer : les instructions du roi, aussi bien que les avis secrets

* Ormond à Boiingbroke, 29 mai 1712.

' Cette lettre, ainsi que la suivante, se trouve dans les papiers d'Ormond.

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10 fMLPLAQUBT ET DENAIN

d'Ormond lui interdisaieirt toute offensive *. Cette situation bizarre était toute à Tavautage des alliéfi ; elle les obligeait à renoncer à une bataille dont le résultat, à tout prendre, était fort douteux et leur assurait, pour le siège des places qu'ils convoitaient, une sécurité absolue. Eugène se hâta de profiter de ces circonstances favorables. Abandonnant toute idée de combat, il ?e porta vers le Quesnoy, qui fut investi sans obstacle le 8 juin. Ormond ne fournit à Tannée d'investissement aucun contingent de troupes à la solde de l'An- gleterre *, mais il s établit, avec tout son corps^ à Cateau-Cambrésis, entre Villars et les assiégeants, couvrant entièrement leurs opéra- tions. Mis ainsi à l'abri de tout danger, Eugène poussa activement ses approches ; en même temps il ne négligea rien pour ruiner les ressources matérielles et morales de son adversaire : des partis de cavalerie menés avec une extrême vigueur, parcoururent la Picardie, la Champagne, brûlant les récoltes, rançonnant les habitants, inter- ceptant les convois, semant la terreur jusqu'aux portes de Paris.

L'inaction de Villars en face de cette activité menaçante était faite pour étonner ceux qui en ignoraient les motife. A la cour, à l'armée, des propos désobligeants circulèrent : Saint-Simon les recueillait avec un malveillant empressement. Villars commençait à souffrir lui-même de l'attitude qui lui était imposée ; il chercha à en sortir et sonda Ormond sur ses inteatians, il lui écrivit le 10 juin qu' « ayant des mesures à prendre pour faire agir l'armée du roi », il le priait de lui faire connaître « ses positions » et de lui « expliquer à quoi il pouvali; s'en tenir ))• La réponse d'Ormond fut ambJguë. Villars insista :

Je suis très aise d'apprendre, écrivait-il le 11 juin, que vous n'avez pas donné un seul homme des troupes qui sont à la solde de la reine, tous les avis nous confirmant que Tinvestiture du Quesnoy était com- posée de troupes également prises sur les deux armées; mais, mon- sieur, je dois vous demander encore un éclaircissement : si toutes les troupes qui sont à vos ordres ne s'opposeront pas aux entreprises que l'armée du roi tentera certainement sur celle du prince Eugène, si elle veut continuer le siège du Quesnoy; je n'attends que la réponse,

< St-John écrivait le 28 mai à Torcy : a En cas que le prince Eugène et les députés des Etats, ce qui n'est pas fort vraÎBemblable, s'opiniàtreraient à vouloir assiéger quelque place, quoiqiie l'armée de la reine n'y con- courrait pas, le duc d'Ormond doit alors prier le M. le maréchal de Villars de ne rien entreprendre contre eux, et de ne pas l'obliger par à entrer en action. »

2 II ne put pourtant pas refuser la coopération de sept bataillons et de neuf escadrons qui, quoique placés sous son commandement étaient à la solde de la Hollande. (Ormond à St-John, 8 juin 1712.)

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hâlplaquet et denâlx t\

qffie je vea» supplie de vouloir bietn me donner positive aur cda, pour me jneltre en mouvement. Yons comprendrez aisément, monsieur, cpse le roi vejani Tarmée da prinee Eugène entreprendre un si^ et saehaat que celle qui est à vos ordres ne doit agir directement ni indîrectcflient contre celle que j'ai l'honneur de commiander, me sau- rait très mauvais gré de demeurer dans l'inaction. Je vous supplie, JûOflsieur, que la réponse dont vous voudrez bien m'honorer sur cela, ne me laisse aucun doute.

Ormood répondit le lendemain de manière à dissiper tous les doutes*

... J'ose bien espérer, monsieur, que vous continuerez, dans les mêmes conditions^ d'en attendre le résultat (des négociations) et que, nonobstant la mine qu'on fasse de vouloir pousser le siège du Quesnoy, vous éviterez, de votre côté, tonte occasion de m' obliger d'user la force, soil pour me défendre, soit pour assister M. le prince Elugène, ce que je ne saurais nC empêcher de faire en cas quil fût attaqué,

La réponse était aussi claire que possible et ne permettait pas à Villars d'agir : il renonça à toute attaque» avec l'assentiment de la cour. « Le roi, lui écrivît Voysin le 13, approuve fort que vous preniez le parti de ne point faire marcher son armée, jusqu'à ce qu'on soit mieux éclairé de ce qui s'est fait en Angleterre. »

De ce côté aussi la lumière ne tarda pas à se faire : lés négo- ciations menées par Torcy avec une grande activité, avec une remarquable intelligence de l'intérêt présent de la France et de la situation des partis en Angleterre, aboutirent bientôt à une entente. Moyennant la promesse d'une renonciation formelle de Philippe V à la couronne France, et la remise temporaire de Ihinkerque entre les mains des Anglais, une suspension d'armes dfe deux mois était stipulée. L'armistice devait être employé à négocier la paix générale sur des bases déjà presque convenues, et devait être prolongé au-delà de deux mnis, si ceîa était nécessaire. Cet arran- gement*, signé le 17 juin par Bolîngbroke à WMtehall^ par Torcy Je 5Î2, à Marly, fut adressé le jour même à Vîllars, afin qu'il' en réglât avec Ormond l'exécution immédiate. Ormond se renxfit te 25 au matin an quartier général' des alliés et s'efforça d'amener Eugène, ainsi que les députés hollandais, à lever le siège du Quesnoy, les menaçant, en cas de refus, se retirer avec toute Va^mée qu'il commandait*. Il fut assez mal reçu et assez surpris

* Voy. le texte dans Pelet, X, 469:

* Ormond à Ylllars, 25 juin 1712,

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12 MâLPLâQUET et DENAIN ^

du peu d'effet de sa menace : il eût Texplication de cet échec lorsque, de retour à Cateau-Cambresis, ayant communiqué à ses chefs de corps auxiliaires les ordres de la reine, il les trouva très peu disposés à lui obéir. Eugène avait agi sur eux, sur leurs gou- vernements, il avait parlé à leurs passions, à leurs intérêts, à leur honneur militaire. Ormond comprit qu'il serait abandohné par eux et ne réussirait à détacher de l'armée alliée que le corps anglais proprement dit, c'est-à-dire à peine douze mille hommes : il eut la loyauté d'en prévenir immédiatement Villars, tout en lui demandant de lui remettre Dunkerque *. Villars, qui trouvait que douze mille hommes de moins à combattre ne valaient pas l'abandon d'une place aussi importante, éluda habilement la question et s'empressa de prévenir la cour. Voysin approuva fort sa réserve ; il trouvait lui aussi que le marché était tout à l'avantage d'Eugène et s'em- pressa de retirer Tordre de livraison de Dunkerque*. Tout sembla remis en question. Torcy écrivit à Bolingbroke que Dunkerque avait été cédé comme gage d'une suspension d'armes générale, que le roi, par amour pour la paix, voulait bien restreindre l'armistice à l'armée anglaise, mais qu'il s'attendait à ce que toute l'armée aux ordres du duc d'Ormond se retirât de la lutte. Bolingbroke, qui lui aussi tenait essentiellement à la paix, fit la seule chose qui fût en son pouvoir, il promit de faire auprès des alliés une démarche impérative, et s'ils refusaient, de se séparer publiquement d'eux, de leur supprimer tous les subsides de l'Angleterre et de faire une paix séparée avec la France :

La reine, écrivit-il à Torcy le 30 juin, qui jusques icy a gardé des mesures avec ses alliés, poussée par eux à des extrémités comme celle-ci, se croira justifiée devant Dieu et les hommes en continuant les négociations ou à Utrecht ou ailleurs, sans se soucier s'ils y con- courent ou non. Ainsi, monsieur, vous devez compter, et j'ai ordre de vous promettre, au nom de Sa Majesté, que si le roi très chrétien mette la ville, citadelle et forts de Dunkerque entre les mains de la reine, quoique toutes les troupes étrangères ou une partie de ces troupes refusent d'obéir aux ordres du duc d'Ormonde, et de se retirer avec lui, Sa Majesté ne balancera plus à conclure la paix particulière, laissant aux autres puissances un terme dans lequel elles pourront se soumettre aux conditions du plan dont la reine conviendra avec Sa Majesté très chrétienne. Voici, monsieur, la paix entre les mains du roi.

* Cette lettre et la réponse de Villars ont été publiées par Pelet, XI, 176. 2 Voysin à Villars, 27 juin 1712. Pelet, XI, 478.

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ïâLPUQOET et DENâIN 13

Louis XIV avait trop de sens politique pour hésiter : à ses yeux la question était plus diplomatique que tactique : rompre la grande alliance, briser cette .chaîne de fer qui depuis dix ans étreignait la France, semer la division dans Tarmée ennemie et jeter le dé- sarroi dans l'Europe entière, étaient des résultats qu'il ne croyait pas acheter trop cher par le sacrifice momentané d'une place isolée. Torcy adressa le 5 juillet à Londres le consentement absolu du roi; en même temps il invita Villars à remettre Dunkerque à Ormond, contre la déclaration de l'armistice et le retrait des troupes an- glaises. Quand cet ordre arriva au camp de Noyelles, le Quesnoy venait de capituler. On s'attendait à une plus longue résistance : M. de Labadie, qui commandait la place, était un oilicier de mérite que secondait un brigadier de valeur, M. de Damas. Mais pou- vût-on lui demander une bien grande persévérance à se défendre, lorsqu'on apportait si peu d'empressement à le soutenir : en voyant l'inaction, inexplicable pour lui, de l'armée de secours, il put croire que la cour était résignée ou indifférente à la chute du Quesnoy : pour le détromper, on le mit à la Bastille.

La déclaration de l'armistice était subordonnée à l'occupation de Dunkerque. Ormond prenant ses instructions à la lettre, refusa de proclamer la suspension d'armes avant que la ville ne fût remise aux autorités anglaises : Villars, de son côté, ne voulait livrer la place qu'à bon escient : pour concilier ces responsabilités, échanger les correspondances et accomplir les formalités néces- saires, il fallut encore une dizaine de jours; dix jours d'une cruelle inaction pour Villars, d'une fébrile activité pour Eugène. Le prince eut le temps de concentrer ses moyens d'action pour le siège de Landrecies, tout en continuant son habile propagande auprès des troupes allemandes auxiliaires et de leurs gouvernements : aux menaces anglaises il répondait par des promesses, s'engageant au nom de l'empereur à payer la solde refusée par l'Angleterre, faisant luire aux yeux de tous l'espérance de succès que la chute rapide du Quesnoy et la mollesse apparente de Villars semblaient pro- mettre faciles. Enfin le 15 juillet nu soir il donna Vordre de marche pour le lendemain, et le fit publier dans tous les campements : le 16j à quatre heures du matin, il était à la droite de l'armée atten- dant l'effet de ses démarches : il eut la satisfaction de voir toutes les troupes auxiliaires venir se ranger à leur place de bataille : Prus- siens, Hanovriens, Saxons, Danois, enlevés par le prince d'Auhalt et le duc de Wurtemberg abandonnèrent successivement Ormond et se mirent sous son commanflement ; tout s'ébranla dans la direc- tion de Landrecies. Le général anglais ne put retenir auprès de lui, outre ses troupes nationales, qu'un bataillon et quatre escadrons de

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n ÏÀLPUQUET ET D8NÂIN

Holstein et le petit régiment liégeois de Walef-dragons. Un peu mortifié de cet abandon, il se porta le lendemain à Avesnes-le-Sec, il publia la suspension d'armes et prit tristement le chemin du Nord : les portes de toutes les villes gardées par les Hollandais se fermèrent devant lui : il ne put s'arrêter qu'à Gand se trouvait une garnison anglaise. En même temps le général Hill venu direc- tement d'Angleterre avec un petit corps de troupes débarquait à Dunkerque et s'y établissait.

Villars retrouvait enfin sa liberté d'action, le terrain était déblayé devant lui de tous les obstacles que la politique et la diplomatie y avaient accumulés : il n'avait plus à résoudre qu'une question miii* taire, il n'avait plus qu'un seul objectif, joindre l'ennemi et le com- battre. Depuis quinze jours, dans l'inaction forcée des camps, toutes les solutions de ce problème avaient été longuement discutées entre l'armée et la cour : trop longuement même, car l'abondance des avis avait fmi par produire la confusion, et la multiplicité des objecr tions, l'hésitation ; seul le roi avait conservé une remarquable net- teté de vues et montrait une décision qui éclate dans ses dépêches, dans celles de son actif interprète Voysin : il avait deviné les pro- jets d^Eugène sur Landrecies et, dès le lendemain de la chute da Quesnoy, il ordonnait à Villars de défendre à tout prix la dernière place qui séparât encore l'ennemi de la vallée de l'Oise. De tous les systèmes discutés par Villars, il n'en avait retenu qu'un, celui que le maréchal avait d'ailleurs proposé en première ligne, et qui con- sistait à marcher sur la Selle et à offrir la batdlle à l'ennemi : il l'approuvait <c comme étant la démarche la plus honorable et la plus hardie ». Mais, écrivait Voysin de sa part, le 6 juillet, a il ne suiTit pas de faire une démonstration qui marque l'envie de com- battre », il faut combattre et plutôt « risquer l'événement d'un combat que de souffrir que l'ennemi se rende maître de Landrecies ». Villars avait donc Tordre, au premier mouvement d'Eugène vers Landrecies, de ne pas se contenter de se mettre dans la plaine, derrière la Selle, il était douteux qu'Eugène vînt le chercher, mais de passer cette rivière près de sa source, et d'aborder résolu- ment l'ennemi pendant^sa marche : le terrain serait plus coupé, plus couvert, moins propre aux manœuvres de la cavalerie, mais cela même était un avantage, la cavalerie alliée étant notoirement supé- rieure à la cavalerie française, tandis que l'infanterie d'Eugène était diminuée de tous les bataillons occupés à garder les longues lignes qui protégeaient ses communications du Quesnoy à Mar- chiennes.

L'éloignement de Marchiennes était le côté défectueux des com- binaisons d'Eugène; la grande distance qui séparait l'armée de siège

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MÂLPLÀQUET ET DBNADi 15

de son dépôt était un embarras et un danger; ce point faible n'avait point échappé à la perspicacité de Tétat-major français : couper cette ligne, isoler rennemi de ses ressources, c'était le moyœ le plus sûr d'arrêter sa marche. Voysin aurait voulu qu'on tentât cette opération avec un détachement ; dès le 1*' juillet, il la recom- mandait à l'étude de Villars. Mais tant que l'armée alliée était massée entre le Quesnoy et Valenciennes, l'attaque des lignes était ateolument impossible : posté sur les hauteurs de Quérénaing, à ô kilomètres à peine de Denain, en un point d'où il découvrait tout le pays, Eugène pouvait suivre le mouvement de l'armée française et porter dans ses retranchements des forces assez nombreuses pour y défier tous les assauts. L'opération était impraticable. Villars la jagea telle; un conseil de guerre, réuni le 3 juillet, la repoussa à l'unanimité : Voysin se résigna et l'attaque par la haute Selle :ht décidée. Sur ce point, les ordres du roi étaient formels : il les confirma le 10 juillet; la susprasion d'armes avec les Anglais n'était pas encore officiellement déclarée, mais cette considération n'arrê- tait pas le roL Au premier mouvement d'Eugène sur Landrecies, ViUars avait ordre d'inviter Ormond à s'écarter de sa route, si le général anglais refusait de s'éloigner, Villars devait passer outre, et CTgager le combat, a au hasard que les Anglais y fussent mêlés », plutôt que de laisser échapper une occasion que le roi considérsôt comme suprême et décisive ^ .

Il semble donc que le 16 juillet dans la journée, en apprenant d'Ormond qu'Eugène marchait sur Landrecies et que lui-même sféloigneraût le lendemain, Villars n'eût qu'une seule chose à faire, exécuter les ordres du roi et aborder l'ennemi pendant sa marche de flanc. 11 hésita pourtant. Fût-ce irrésolution, effet d'une per- plexité, à tout prendre, assez naturelle? Fût-ce intuition soudaine d'un meilleur parti à prendre et qui fut pris quelques jours plus tard. La lumière ne se fera jamais complètement sur les sentiments qui agitèrent l'esprit mobile du maréchal, au moment de jouer sur une dernière carte les destinées de son pays qu'il aimait, et sa réputation de capitaine, à laquelle il tenait démesurément. Saint- Simon a cru à un moment de défaillance et l'a qualifié avec sa sévérité habituelle. Pour nous, qui savons faire la part des fai- blesse humaines et qui n'ignorons pas de quel poids, dans les guerres malheureuses, pèse sur les caractères les mieux tronpés, la responsabilité du commandement suprême, nous suspendrons notre jugement; nous laisserons parler les faits eux-mêmes, et nous ne croirons pas avoir diminué les droits de Villars à la reconnais-

» Le roi à Villars. Marly, 10 juillet 1712. Pelet, XI, 492.

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16 IIÀLPIÂQUET ET DENÂIN

sance de Thistoire, s'il résulte de notre exposé sincère, que, pour sauver la France, il dut, non seulement triompher de difficultés exceptionnelles, battre un ennemi redoutable, mais commencer par se ^ainc^e lui-même.

Le 18 donc, au lieu de se porter résolument en avant, comme le lui commandaient les ordres du roi et la raison stratégique, Villars convoqua un conseil